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1675mentation m’ont blessé le cœur, et je ne puis m’arrêter sur cette pensée sans avoir grand besoin de vos sermons : ce que vous me dites en deux mots sur le peu de profit que vous en tirez quelquefois est d’une tendresse qui me touche fort.

Vous voulez donc aussi que je vous parle de mes bois ; la stérilité de mes lettres ne vous en dégoûte point. Vous saurez donc, ma bonne, que j’y fais honneur à la lune que j’aime, comme vous savez[1] : la Plessis s’en va ; le bon abbé craint le serein ; moi, je ne l’ai jamais senti ; je demeure avec Beaulieu et mes laquais jusqu’à huit heures. Vraiment, ces allées sont d’une beauté, d’une tranquillité, d’une paix, d’un silence à quoi je ne puis m’accoutumer. Si je pense à vous, si c’est avec une tendresse, si j’y suis sensible, c’est à vous de vous l’imaginer : il ne m’est pas possible de vous le bien représenter. Je me trouve fort à mon aise toute seule ; je crains qu’il ne me vienne des madames, c’est-à-dire de la contrainte.

J’ai été voir la bonne Tarente ; elle me reçut avec transport : le goût qu’elle a pour vous n’est point d’une Allemande ; elle est touchée de votre personne, et de ce qu’elle croit de votre esprit ; elle n’en manque pas en sa manière[2] ; elle aime sa fille[3], elle en est occupée, et me

  1. Dans l’édition de la Haye : « que j’y fais l’honneur à la lune comme vous savez. » Cette phrase manque dans l’édition de Rouen.
  2. C’est le texte du manuscrit ; dans toutes les éditions : « à sa manière. »
  3. Charlotte-Émilie-Henriette de la Trémouille s’était retirée à la cour de Danemark, à cause de son attachement à la religion réformée. Elle épousa, le 29 mai 1680, Antoine d’Altenbourg, comte d’Oldenbourg, dont elle resta veuve quatre mois après. Sur ce mariage et sur le comte d’Oldenbourg, voyez la lettre du 3 mai 1680. — Dans les éditions de 1726, on lit la note suivante : « Depuis Mme la duchesse de Holstein. » — Nous avons dit au tome II, p. 229, note 4, que la princesse de Tarente était tante de la reine de Danemark, femme de Christiern V.