Aller au contenu

Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 161 —


1675m’égare par l’autre : je fis ce tour hier à une sénéchale de Vitré, et puis je grondai qu’on ne m’eût pas avertie : demandez-moi ce que je veux dire ; ce sont des friponneries qu’on est tentée de faire dans ce parc. Vous souvient-il d’un jour que nous évitâmes les Fouesnels[1] ? Je me promène fort ; ces allées sont admirables. Je travaille comme vous ; mais, Dieu merci, je n’ai point une friponne de Montgobert[2] qui me réduise aux traînées ; c’est une humiliation que je ne comprends pas que vous puissiez souffrir : je ne noircis point ma soie avec ma laine. Je me trouve fort bien d’aller mon grand chemin ; il me semble que je n’ai que dix ans, et qu’on me donne un petit bout de canevas pour me jouer. Il faudroit que vos chaises fussent bien laides pour n’être pas aussi belles que votre lit. J’aime fort tout ce que me mande Montgobert ; elle me plaît toujours, je la trouve salée, et tous ses tons me font plaisir : c’est un bonheur d’avoir une compagnie dans sa maison comme celle-là ; j’en avois une autrefois dont je faisois bien mon profit : Monsieur d’Angers[3] me mandoit l’autre jour que c’étoit une sainte.

J’ai trouvé la réponse du maréchal d’Albret très-plaisante[4] : il y a plus d’esprit que dans son style ordinaire ; je la trouve d’une grande hauteur ; l’affectionné serviteur est d’une dure digestion.. Voilà le monseigneur bien établi.

Vous avez donc ri, ma fille, de tout ce que je vous

  1. LETTRE 453 (revue en partie sur une ancienne copie). — Voyez tome II, p. 259.
  2. Voyez tome II, p. 118, note 20. — On appelle traînée, en termes de tapisserie, une aiguillée de laine ou de soie, tendue sur le canevas et recouverte ensuite par un point ordinaire.
  3. Henri Arnauld, évêque d’Angers. Voyez tome II, p. 402, note 9.
  4. Voyez p. 94 et 95, la fin de la lettre du 27 août précédent.