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de l’armée, jusqu’à ce que vous ayez su la mort de M. de Turenne. Tout est confondu[1] : il n’y a plus ni Flandre, ni Allemagne, ni petit frère que l’on puisse espérer. Nous verrons dans quelques jours comme tout se rangera, et le train que prendra notre province et M. de Fourbin avec sa petite armée.

Je vous conseille d’écrire à notre bon cardinal sur cette grande mort ; il en sera touché. L’on disoit l’autre jour en bon lieu que l’on ne connoissoit point d’homme au-dessus des autres hommes, que lui et M. de Turenne : le voilà donc seul dans ce point d’élévation. Quand vous aurez passé cette première lettre, croyez-moi, ma bonne, ne vous contraignez point quand il vous viendra quelque folie au bout de votre plume ; il en est charmé : aussi bien la grandeur et le fonds de religion n’empêchent point encore ces petites chamarrures ; il laisse toujours aller les épigrammes au gros abbé[2]. Ce que vous me mandez de d’Hacqueville est plaisant.

Voilà votre Mme de Schomberg maréchale ; elle est fort louable de passer sa vie en Languedoc, pour être plus près de Catalogne[3] ; peut-être que sa santé contribue à ce séjour. Ce seroit un joli voyage à M. de Grignan et à la Garde, de l’aller voir aux eaux. Tout ceci fera sans doute changer de place à son mari.

  1. Le texte de Rouen (1726) est ici tout différent, mais ne s’accorde point avec les lettres précédentes : « Toutes les lettres de l’armée sont bien étranges ; mais aussi, ma bonne, quelle foudroyante nouvelle ! Vous allez apprendre la mort (hélas ! aurai-je la force de vous l’écrire ? ), la mort de M. de Turenne. Tout est confondu, etc. »
  2. L’abbé de Pontcarré.
  3. M. de Schomberg étoit de la promotion des huit maréchaux de France créés le 30 juillet dernier ; il commandoit alors en Catalogne. (Note de Perrin, 1754.)