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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/342

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1676uns en blanc, et les autres en noir à noircir. Le mien est pour vous de la couleur que vous savez.

de charles de sévigné.

Je ne suis point en bonne humeur : je viens d’avoir une conversation sérieuse avec le bien Bon sur les malheurs du temps, et vous savez comme ce chapitre met le poignard dans le cœur. Je n’ai pas laissé de sourire de l’histoire de l’innocence de la fille de Lambesc : jugez ce que j’aurois fait si j’avois été dans mon naturel. Elle avoit autant d’envie d’avoir l’absolution que le bon père la chanson, et apparemment ils se contentèrent tous deux.

Pour les Essais de morale, je vous demande très-humblement pardon, si je vous dis que le traité de la Connoissance de soi-même me paroît difficile à comprendre, sophistiqué[1], galimatias en quelques endroits, et surtout ennuyeux presque partout. J’honore de mon approbation les Manières dont on peut tenter Dieu ; mais vous qui aimez les bons styles, et qui vous y connoissez si bien, du moins si on peut juger par le vôtre, pouvez-vous mettre en comparaison celui du Port-Royal d’aujourd’hui avec celui de M. Pascal ? C’est celui-là précisément qui dégoûte de tous les autres ; et M. Nicole met une quantité de belles paroles dans le sien, qui fatigue et qui fait mal au cœur à la fin ; c’est comme qui mangeroit trop de blanc-manger : voilà ma décision. Pour vous adoucir l’esprit, je vous dirai que Montaigne est raccommodé avec moi sur beaucoup de chapitres : j’en trouve d’admirables et d’inimitables, et d’autres puérils et même extravagants ; je ne me dédis point sur ceux-là. Je vous

  1. Il y a sophistiqué dans l’édition de 1754, la première où cette lettre ait été imprimée ; le manuscrit donne sophistique.