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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/364

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1676rassuré. Soyez persuadé, mon très-cher frère, que je ne pouvois manquer de faire mon devoir en cette occasion : ma sœur a une place dans mon cœur qui ne me permet pas de l’oublier. Présentement que nous sommes dans la joie de voir revenir à vue d’œil la santé de ma mère, je me console de la maladie, parce qu’elle lui apprendra à se conserver, comme une personne mortelle, et parce qu’elle est cause que j’ai reçu de vous la lettre du monde la plus obligeante et la plus pleine d’amitié. Croyez, Monsieur, que vous ne sauriez en avoir pour personne qui vous honore plus que moi, et qui ait pour vous plus d’estime et de tendresse.

à madame de grignan.

Je reviens à vous, ma petite sœur, pour vous mander les détails que vous demandiez dès le premier ordinaire. Il eût fallu faire comme le valet de chambre de feu mon oncle de Châlon[1], qui disoit : « Monsieur a la fièvre quarte depuis hier matin. » Nous vous avons mandé tout ce qu’il y avoit à vous mander. Remerciez-nous seulement, et ne vous avisez pas de nous gronder en la moindre chose : vous auriez tort. Nous avons l’abbé de Chavigny pour évêque de Rennes[2] ; vous trouverez que nous en devons être bien aises, pour peu que vous oubliiez le mépris et

  1. (Jacques) de Neuchèse, évêque de Châlon-sur-Saône. (Note de Perrin.) — Voyez tome I, la lettre 80 et les suivantes.
  2. François le Bouthillier, frère de la maréchale de Clérembaut, fut en effet nommé le 2 février 1676 à l’évêché de Rennes et en obtint les bulles ; mais il donna sa démission au mois de juillet de la même année. Il fut nommé à l’évêché de Troyes le 17 octobre 1678, et se démit en 1697 en faveur de son neveu. En 1715, il fut appelé au conseil de régence, et mourut le 15 septembre 1731, dans sa quatre-vingt-dixième année. « Il étoit (quatrième) fils de Chavigny, cet honnête secrétaire d’État dont j’ai parlé, et petit-fils de Bouthillier, surintendant des finances. Il eut des bénéfices de bonne heure, fut aumônier du Roi, devint, jeune, évêque de Troyes. Il avoit du savoir et possédoit de plus les affaires temporelles du clergé mieux qu’aucun de ce corps, en sorte qu’il étoit de presque toutes les assemblées du clergé et qu’il brilloit dans toutes. Il avoit de plus bien de l’esprit, et plus que tout l’esprit du monde, le badinage des femmes, le ton de la bonne compagnie, et passa sa vie dans la meilleure et la plus distinguée de la cour et de la ville, recherché de tout le monde, et surtout dans le gros jeu et à travers toutes les dames. C’étoit leur favori ; elles ne l’appeloient que le Troyen, et chien d’évêque et chien de Troyen, quand il leur gagnoit leur argent. Il s’alloit de temps en temps ennuyer à Troyes, où, pour la bienséance et faute de mieux, il ne laissoit pas de faire ses fonctions ; mais il n’y demeuroit guère, et une fois de retour, il ne se pouvoit arracher. » (Saint-Simon, tome I, p. 439 et suivantes.) Sur sa belle et courageuse retraite, sur la seconde moitié de sa vie consacrée à la pénitence, voyez le même endroit de Saint-Simon ; voyez aussi tome XIII des Mémoires, p. 162 et suivante, 410 et suivantes.