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1676 — J’ai senti le chagrin du chevalier, et par toutes les raisons que vous me mandez, je croyois qu’on le dùt contenter. M. le duc de Sault [1], après une longue conversation avec le Roi, a quitté le service, et suivra le Roi comme volontaire vous voyez qu’il y a plusieurs mécontents. Je voudrois bien, ma fille, que vous n’eussiez pas laissé refroidir la réponse de la bonne princesse ; vous m’eussiez fait un grand plaisir d’entrer un peu vite dans toute la reconnoissance que je lui dois je sais bien que vous êtes en couche ; je fais valoir cette raison, qui est bonne. Je suis ravie que vous vous portiez bien, et que vous soyez grasse, c’est-à-dire belle. Je pris hier de la poudre du bonhomme c’est un remède admirable il a raison de le nommer le bon pain, car il fait précisément tout ce que l’on peut souhaiter, et n’échauffe point du tout ; m’y voilà accoutumée; je crois que cette dernière prise achèvera de me guérir.

Je vous embrasse, ma très-chère, et le Comte et les pichons ; Dieu vous conserve tous dans la parfaite. Enfin il y a neuf semaines que je n’ai point de mains. On ne saigne point en ce pays, aux rhumatismes. Dieu donne le froid selon la robe de tous les maux que je pouvois avoir, j’ai eu précisément le moins périlleux, mais le plus douloureux, et le plus propre à corriger mon insolence, et à me faire une poule mouillée [2] ; car les douleurs me feroient courir cent lieues pour les éviter. Et vous, ma chère enfant, qui en avez tant souffert, et avec tant de courage, votre âme est bien plus ferme que la mienne je désire qu’elle soit longtemps unie avec votre beau corps, et je vous aime avec une tendresse que vous

  1. Voyez tome III, p. 40, note 12.
  2. A ces mots « me faire une poule mouillée, » Perrin, dans sa seconde édition, a substitué ceux-ci « me faire tout appréhender. »