Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/456

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1676bien ravi de le voir. Les petites filles que voilà sont belles et aimables ; vous les avez vues : elles se souviennent que vous faisiez de grands soupirs dans cette église ; je pense que j’y avois quelque part, du moins sais-je bien que j’en faisois de bien douloureux de mon côté. On dit que Mme de Guénégaud vous disait[1] : « Soupirez, soupirez, Madame, j’ai accoutumé Moulins aux soupirs qu’on apporte de Paris. » Je vous admire d’avoir pensé à marier votre frère ; vous avez pris la chose par un très-bon côté, et j’estime le négociateur. Je suivrai ce chemin quand je serai retournée à Paris : écrivez-en à d’Hacqueville. On juge très-justement du bien de mon fils par celui de ma fille ; ce seroit une chose digne de vous de faire ce mariage : j’y travaillerai de mon côté. Vous croyez donc n’avoir pas été assez affligée de ma maladie ; eh bon Dieu ! qu’auriez-vous pu faire ? Vous avez été plus en peine que je n’ai été en péril. Comme la fièvre que j’ai eue vingt-deux jours étoit causée par la douleur, elle ne faisoit peur à personne. Pour mes rêveries, elles venoient de ce que je ne prenois que quatre bouillons par jour, et qu’il y a des gens qui rêvent toujours pendant la fièvre. Votre frère m’en a fait des farces à mourir de rire : il a retenu toutes mes extravagances, et vous en réjouira. Ayez donc l’esprit en repos, ma belle ; vous n’avez été que trop inquiète et trop affligée de mon mal.


    l’église de la Visitation de Moulins pour son mari (Henri, duc de Montmorency), décapité à Toulouse le 30 octobre 1632, par arrêt du parlement de Toulouse. (Note de Perrin.) — Ce tombeau, dessiné et en partie exécuté par François Anguier, avait été commencé en 1648 et achevé en 1653.

  1. « Du moins sais-je bien qu’en ce temps j’en faisois de bien douloureux de mon côté. Est-il vrai que Mme de Guénégaud vous disoit, etc. » (Édition de 1754.)