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1676et souhaite fort de vos nouvelles. Bonsoir, Comte, ne me l’amènerez-vous point cet hiver ? voulez-vous que je meure sans la voir ?






540. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ
À MADAME DE GRIGNAN,
À Vichy, dimanche 24e mai.

Je suis ravie, en vérité, quand je reçois de vos lettres, ma chère enfant. Je ne puis me résoudre à jouir toute seule du plaisir de les lire ; mais ne craignez rien, je ne fais rien de ridicule là-dessus, mais j’en fais voir[1] une petite ligne à Bayard, une autre au chanoine (ah ! que ce seroit bien votre fait que ce chanoine ! ), et en vérité on est charmé de votre manière d’écrire. Je ne fais voir que ce qui convient, et vous croyez bien que je me rends maîtresse de la lettre, pour qu’on ne lise pas sur mon épaule ce que je ne veux pas qui soit vu.

Je vous ai écrit plusieurs fois, et sur les chemins, et ici. Vous aurez vu tout ce que je fais, tout ce que je dis, tout ce que je pense, et même la conformité de nos pensées sur le mariage de M. de la Garde. J’admire comme notre esprit est véritablement la dupe de notre cœur[2], et les raisons que nous trouvons pour appuyer nos changements. Celui de Monsieur le Coadjuteur me paroit admirable ; mais la manière dont vous le dites l’est encore

  1. LETTRE 540. — Dans l’édition de 1754 : « Elles sont si aimables que je ne puis me résoudre…. mais ne craignez rien, je ne fais rien de ridicule ; j’en fais voir, etc. »
  2. « L’esprit est toujours la dupe du cœur, » a dit la Rochefoucauld dans ses Maximes (n° cxii de l’édition de 1665 et cii des suivantes).