Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/145

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1676 tions qui sont dans votre lettre, pour m’adoucir un peu cet endroit. Vous êtes bien loin d’être trompée sur la pensée que vous en avez ; c’est à vous maintenant à faire que je ne le sois pas dans l’espérance que vous me donnez : après avoir si bien rempli les devoirs de Provence, je crois que vous serez pressée de songer à moi. Mais j’admire la liaison que j’ai avec les affaires publiques : il faut que l’excès de ce qu’on demande à votre assemblée retombe sur moi. Quand je le sus, je sentis le contre-coup, et vous connoissant comme je fais, il me tomba au cœur que vous ne voudriez point quitter M. de Grignan. C’est, comme vous dites, une des plus grandes occasions qui puisse arriver dans une province : vous lui serez très-utile, et je suis contrainte d’avouer que rien n’est si honnête ni si digne de vous que cette conduite. Je vous assure que je crains fort cette délibération : quand je pense aux peines de M. de Grignan pour les faire venir à cinq cent mille francs, je ne comprends point du tout comment il pourra faire pour doubler la dose. J’ai toujours la vision d’un pressoir que l’on serre jusqu’à ce que la corde rompe[1]. Je vous prie de me bien mander le détail de tout : je suis plus occupée des nouvelles de Lambesc que de celles de Saint-Germain ; instruisez-m’en plutôt que de répondre à mes lettres. N’oubliez point, ma fille, les aventures que vous voulez me conter : j’aime que vous ayez quelque chose à me dire. Vous avez bien fait de laisser vos ballots à Grignan : je souhaite que vous repreniez bientôt le fil de votre voyage ; de la manière dont

  1. 3. Cette phrase et la précédente manquent dans l’édition de 1734 —-On demandait un million ; mais sur les remontrances de l’assemblée on finit par se réduire à huit cent mille francs. L’année précédente, l’assemblée avait voté cinq cent mille francs voyez tome IV, p. 227, note 4, et p. 209, note 1.