Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/175

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l’eau de poulet, et que Mme du Fresnoi[1] s’en est très-bien trouvée. Mlle de Méri est plus habile par sa propre expérience qu’un médecin, qui se porte bien, par la sienne : elle doit vous écrire et m’envoyer son billet. Adieu, mon ange : je vous rends ce que vous me dites sans cesse : songez que votre santé fait la mienne, et que tout m’est inutile dans le monde, si vous ne vous guérissez.


1677

612. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, vendredi 11e juin.

Il me semble que pourvu que je n’eusse mal qu’à la poitrine, et vous qu’à la tête, nous ne ferions qu’en rire ; mais votre poitrine me tient fort au cœur, et vous êtes en peine de ma tête : eh bien ! je lui ferai, pour l’amour de vous, plus d’honneur qu’elle ne mérite ; et par la même raison, mettez bien, je vous supplie, votre petite poitrine dans du coton. Je suis fâchée que vous m’ayez écrit une si grande lettre en arrivant à Melun : c’étoit du repos qu’il vous falloit d’abord. Songez à vous, ma chère enfant, ne vous faites point de dragons ; songez à me venir achever votre visite, puisque, comme vous dites, la destinée, c’est-à-dire la Providence, a coupé si court, contre toute sorte de raison, celle que vous aviez voulu me faire. Votre santé est plus propre à exécuter ce projet que votre langueur ; et comme vous voulez que mon cœur et ma tête soient libres, ne croyez pas que cela puisse être si votre mal augmente. Quelle journée ! quelle amertume ! quelle séparation ! Vous pleurâtes, ma très-chère, et c’est une

  1. 3. Voyez tome II, p. 11, note 2 et tome III, p. 176, note 3.