Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/26

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la crainte que je sens d’y retomber, et par ma conduite à l’égard du serein, que par nulle autre chose ; car vous vous souvenez bien que les belles soirées et le clair de lune me donnoient un souverain plaisir. Je vous remercie d’avoir pensé à moi dans ce beau temps. Il vint hier ici à midi Mmes de Villars, de Saint-Géran, d’Heudicourt, Mlle de Lestrange, la petite âme et la petite ambassadrice ; il faisoit très-beau. Un léger soupçon avoit causé une légère prévoyance, qui composa un très-bon dîner. J’ai un fort bon cuisinier : vous m’en direz votre avis. Nous causâmes, nous mangeâmes, nous nous réjouîmes assez ; nous parlâmes de vous avec plaisir. Elles me dirent qu’il n’y avoit point encore de nouvelles d’Allemagne : c’est brûler à petit feu, ce me semble, que de savourer ainsi dix ou douze jours une violente inquiétude ; c’est tirer son jeu à petite primes[1] ; et la marquise de la Trousse, qui revient de la Trousse, ouvrira son jeu tout d’un coup, et le verra bon ou mauvais, comme il sera ; car ce qui y est y est ; et l’inquiétude, non plus que les façons des tireurs de prime, ne fait rien à l’affaire. Cependant je crois que les amitiés les plus vives ne se veulent rien épargner ; qu’en dites-vous?

Le Roi a donné à un M. du Plessis[2], grand vicaire de Notre-Dame, et fort homme de bien, l’évêché de Saintes. Sa Majesté dit tout haut « J’ai donné ce matin un évêché à un homme que je n’ai jamais vu. » C’est le second ; l’autre étoit l’abbé de Barrillon, évêque de Luçon[3].

  1. LETTRE 568 (revue en grande partie sur une ancienne copie). — 1. Il y avait deux sortes de jeu de prime, la grande et la petite, qui différaient l’une de l’autre par le nombre de points dont elles se composaient.
  2. 2. Guillaume du Plessis de Gesté de la Brunetière, né en 1630, mort le 2 mai 1702.
  3. 3. De 1672 au 7 mai 1699. Il était frère de l’ambassadeur et de