Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/29

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mon esprit ni le vôtre en cette rencontre ; qu’il s’est trouvé un diable de bois, inconnu sur la carte[1], qui nous a tenus en bride de telle sorte que, ne pouvant nous ranger en bataille qu’à la vue des ennemis, nous avons été obligés de nous retirer le 10e et d’abandonner Philisbourg à la brutalité des Allemands. Jamais M. de Turenne n’eût prévu ce bois ; ainsi l’on doit se consoler de sa perte[2] On craint aussi celle de Maestricht5.[3], parce que l’armée de nos frères[4] n’est pas en état de le secourir. Ce seroit encore un chagrin si l’on chassoit les Suédois de la Poméranie. Le Chevalier me mande que le

  1. 3. Il est longuement parlé de ce bois dans un article de la Gazette du 22 août « Le lendemain (7 août), le duc de Luxembourg marcha, dans la plus belle disposition du monde, pour aller camper à une portée de canon du camp des Impériaux, afin de pouvoir reconnoître ce qu’il auroit à faire pour attaquer les ennemis. Leur poste étoit si bien retranché qu’il n’y trouva aucune apparence d’exécuter ce dessein sans risquer l’armée. (Suit une description détaillée de la position avantageuse des ennemis.) Néanmoins ces avantages, quelque considérables qu’ils fussent, ne nous auroient point détournés d’attaquer les ennemis, sans un bois qui étoit à la portée du mousquet de ces retranchements ; lequel, sortant du Rhin, passe devant Spire et est si épais partout qu’il n’y a aucun endroit à faire passer une armée. Tous ceux qui avoient été dans ce pays, qui avoient commandé dans Philisbourg, et campé au même lieu où sont à présent les Impériaux, avoient assuré le duc de Luxembourg qu’on passoit partout ce bois en marche d’escadrons. Cependant l’ayant visité depuis le 8 jusqu’au 11e, avec la plupart des officiers généraux, il ne se trouva pas un endroit par où il pût passer quatre hommes de front... Nous croyons partir bientôt d’ici, pour nous poster en un lieu où nous trouverons plus de fourrages qu’en celui-ci. »
  2. 4. « Ainsi l’on doit se consoler de plus en plus de sa perte. » (Édition de 1754.).
  3. Cette crainte n’était pas fondée. Le prince d’Orange fut obligé de lever le siège de Maestricht le 27 août.
  4. 6. C’est-à-dire l’armée où se trouvaient Charles de Sévigné et le chevalier de Grignan. On a vu déjà plusieurs fois l’armée de mon fils; mais ne faut-il pas lire ici l’armée de vos frères?