Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/439

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1678 que Bonrepos[1] écrit je ne sais à qui, mais c’est pour les intérêts du chevalier, qui avoit demandé les passe-ports. Présentement ils sont entre les mains de l’Intendant ; c’est à lui de les distribuer. S’il nous refuse, jamais je ne compterai sur son amitié, et tout ce qu’il dira de l’estime particulière qu’il a de ma bonne foi m’offensera au lieu de me plaire.

Je vis hier dans un fort beau couvent une fort grande beauté très-infortunée[2] ; elle a une affliction proportionnée à son état. On ne peut pas être plus propre à représenter au naturel une princesse de roman délaissée par le héros ; car elles étoient tristes, sans en être moins belles. C’est justement cela. Ce qui me paroît pire, c’est de n’envisager aucune aventure qui puisse la tirer de cette prison, et de n’avoir aucun des sentiments qui la font choisir agréablement pour toute la vie.

Je ne sais point de nouvelles considérables : la tranchée s’avançoit fort ; par les lettres du 22e, on assuroit que la ville seroit prise aujourd’hui[3], et que le Roi reviendroit aussitôt à Saint-Germain. Il n’y a personne ni blessé ni tué[4]. La Cardonnière est mort de maladie et laisse vaquer

  1. 5. Voyez ci-dessus, p. 308, note 9.
  2. 6. Très-probablement Mme de Ludres. On lit dans une lettre de Mme de Scudéry à Bussy, du 28 janvier 1678 : « Je crois qu’on vous aura mandé la retraite de du Ludres dans les Saintes-Maries du faubourg Saint-Germain, » (Correspondance de Bussy, tome IV, p. 21.)
  3. 7. Il s’agit du siège d’Ypres. La ville, comme nous l’avons dit, capitula le 25 mars. Le Roi revint à Saint-Germain le 7 avril.
  4. 8. Cette nouvelle n’est pas tout à fait exacte ; la Gazette, dans un numéro extraordinaire du 5 avril, donne la liste des officiers tués et blessés : il est vrai que les morts sont en très-petit nombre. — La mort de la Cardonniére parait être aussi un faux bruit. Balthazar d’Arzac de la Cardonnière, lieutenant général (1676), puis mestre de camp général de la cavalerie (1677), est nommé dans la Gazette (p. 282) parmi les officiers qui « montèrent la tranchée à la cita-