Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/497

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1678 prenne encore les pensées de la guerre. Je voudrois fort que mon fils et mon bien ne fussent plus exposés à leurs glorieuses souffrances. Il est triste de s’avancer dans le pays de la misère ; c’est ce qui est indubitable dans votre métier[1].

Vous savez, je crois, que Mme  de Meekelbourg, s’en allant en Allemagne, a passé par l’armée de son frère[2]. Elle y a été trois jours, comme Armide[3], au milieu de tous ces honneurs militaires qui ne se rendent pas à petit bruit. Je ne puis comprendre comment elle put songer à moi en cet état. Elle fit plus, elle m’écrivit une lettre fort honnête, qui me surprit extrêmement ; car je n’ai aucun commerce avec elle. Elle pourroit faire dix campagnes et dix voyages en Allemagne sans penser à moi, que je ne serois pas en droit de m’en plaindre. Je lui mandai que j’avois bien lu des princesses dans des armées, se faisant adorer et admirer de tous les princes, qui étoient autant d’amants ; mais que je n’en avois jamais vu une qui, dans ce triomphe, s’avisât d’écrire à une ancienne amie, qui n’avoit point la qualité de confidente de la princesse. On veut entendre finesse à son voyage : ce n’est pas, dit-on, pour voir son mari, qu’elle n’aime point ; ce n’est pas qu’elle haïsse Paris : c’est donc pour marier Monsieur le Dauphin. Il y a des gens si mystérieux, qu’on ne peut jamais croire que leurs démarches ne le soient pas[4].

  1. 5. « …dans votre métier vous sauriez bien m’en dire des nouvelles, (Édition de 18l8.)
  2. 6. Le maréchal de Luxembourg. Voyez tome I, p. 406, note 2.
  3. 7. Voyez le chant IV de la Jérusalem délivrée.
  4. 8. Les bruits qui circulaient sur ce voyage n’étaient pas sans quelque fondement. On voit, par une lettre sans date de la princesse de Meeklenbourg à M. de Pompone, que la maison de Brunswick proposait au Roi la princesse d’Osnahruck pour Monseigneur le Dauphin. La négociatrice termine par une insinuation qui était de nature à être bien accueillie de Louis XIV : « Si le cœur en dit d’être roi