Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/66

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1676 nous donner des marques d’amitié et de confiance, lui par des effets, et moi par des paroles ; mais la reconnoissance est le fondement de tout ce beau procédé. Ne soyez point en peine de mon séjour ici : je m’y trouve parfaitement bien ; j’y vis à ma mode ; je me promène beaucoup ; je lis, je n’ai rien à faire, et pour n’être point paresseuse[1] de profession, personne n’est plus touchée que moi du far niente des Italiens. Je n’en suis tirée à Paris que par des raisons qui me semblent dignes d’être au-dessus de cette fantaisie ; et si je pouvois manquer à tout sans inquiétude, je ne ferois pas plus de chemin que Mme de la Fayette. Je ne prends point le serein[2] je laisse aller Mme de Coulanges ; et Corbinelli m’entretient fort volontiers, car il est bien plus délicat que moi. Le seigneur Amonio me fait prendre tous les matins une pilule très-approuvée, avec un bouillon de bétoine : cela purge le cerveau avec une douceur très-salutaire ; c’est précisément ce qu’il me faut : j’en prendrai huit jours, et puis la vendange. Enfin je ne pense qu’à ma santé, et c’est ce qui s’appelle présentement mettre du sucre sur du macaron. Ne soyez donc point en peine de moi, ma très-chère, et ne vous occupez que de me donner le grand et le dernier remède que vous m’avez promis, par votre très-aimable présence.

Tout le monde se meurt aux Rochers et à Vitré, de la dyssenterie et des fièvres pourprées. Deux de mes ouvriers ont péri ; j’ai tremblé pour Pilois ; les meuniers, les métayers, même jusqu’à la divine Plessis, tout a été attaqué de ces cruelles maladies. Comme vous êtes au-dessus du vent, j’espère que vous ne serez point exposée

  1. Lettre 577 (revue en partie sur une ancienne copie). — 1. « Et sans être paresseuse. » (Édition de 1754.)
  2. 2. Je ne m’expose point au serein, (Ibidem.)