1679
*759. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE GUITAUT.
Il est vrai que je trouve toujours vos lettres admirables ; tout m’en plaît, et l’on peut dire qu’elles sont faites col senno e con la mano[1] ; car les plus belles choses du monde, cachées sous des pieds de mouche, ne me sont de rien ; elles se refusent à moi et je me refuse à elles : je ne puis déchiffrer ce qui n’est pas déchiffrable. Vous voyez donc bien que votre commerce a pour moi tout ce que je puis souhaiter ; cependant, avec toutes ces perfections, je vous promets de ne point montrer cette dernière ; j’en connois les beaux endroits, et cela me suffit. Vous avez bien fait d’adresser votre compliment pour M. de Pompone à M. de Caumartin ; le canal est tout naturel ; et comme vous dites, vous ne perdez rien de tout ce que je dirai au delà de la lettre. Je n’oublierai aucun de vos sentiments ; ceux que vous avez pour Mme de Vins, sur la parole de M. d’Hacqueville et de Mme de Grignan, sont fort raisonnables : vous avez dû vous en fier à leurs goûts et à leurs lumières. Je l’aurois fait comme vous ; mais ayant été en lieu de juger par moi-même, j’ai été de leur avis avec connoissance de cause. C’est une des plus aimables personnes que vous connoissiez, l’esprit droit et bien fait, fort orné et fort aisé, un cœur très-sensible, et dont tous les sentiments sont bons et nobles au delà de ce que vous pouvez imaginer. Elle m’aime un peu pour ma vade[2], et par-dessus cela, je