Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1680 Je ne sais pas encore des nouvelles de la noce, ni si ce fut à la face du soleil ou de la lune que le mariage se fit. Mme de Vins[1] m’envoie ce paquet, j’irai faire le mien chez elle, et vous manderai ce que j’aurai appris. Cependant je vous dirai une nouvelle, la plus grande et la plus extraordinaire que vous puissiez apprendre, c’est que[2] Monsieur le Prince fit faire hier sa barbe ; il étoit rasé : ce n’est point une illusion, ni de ces choses[3] qu’on dit en l’air, c’est une vérité ; toute la cour en fut témoin ; et Mme de Langeron[4], prenant son temps qu’il avoit les pattes croisées comme le lion[5], lui fit mettre un justaucorps avec des boutonnières de diamants ; un valet de chambre, abusant aussi de sa patience, le frisa, lui mit de la poudre, et le réduisit enfin à être l’homme de la cour de la meilleure mine, et une tête qui effaçoit toutes les perruques : voilà le prodige de la noce. L’habit de M. le prince de Conti étoit inestimable : c’étoit une broderie de diamants fort gros qui suivoit les compartiments d’un velouté noir sur un fond de couleur de paille. On dit que la couleur de paille ne réussissoit pas, et que Mme de Langeron, qui est l’âme de toute la parure de l’hôtel de Condé, en a été malade. En effet, voilà de ces sortes de choses dont on ne doit point se consoler. Monsieur le Duc, Madame la Duchesse et Mademoiselle de Bourbon avoient trois habits garnis de pierreries différentes pour

  1. 37. Dans l’édition de 1 ? 54, on lit simplement : « J’irai faire mon paquet chez Mme de Vms, et vous manderai, etc. »
  2. 38. « Cependant je vous dirai une très-grande nouvelle, c’est que… » (Édition de 1754.)
  3. 39. « Ni une de ces choses. » (Ibidem.)
  4. 40. Voyez plus haut, p. 171, et la note 14.
  5. 41. Voyez la lettre du 18 décembre 1689. Voyez aussi le dialogue intitulé : les Entretiens mystérieux de trois princes en cage dans le bois de Vincennes, sous les figures du lion, du renard et du singe. Paris, 1650, in-4o.