Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/337

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1680 nelles[1] : un tourbillon me l’emporta, c’étoit Mme de Soubise qui rentroit dans cette cour au bout de ses trois mois, jour pour jour[2]. Elle venoit de la campagne ; elle a été dans une parfaite retraite pendant son exil ; elle n’a vécu que le jour qu’elle est revenue[3] . La Reine et tout le monde la reçut fort bien ; le Roi lui fit une très-grande révérence : elle soutint avec très-bonne mine tous les différents compliments qu’on lui faisoit de tout côté[4].

Monsieur le Duc me parla beaucoup de M. de la Rochefoucauld, et les larmes lui en vinrent encore aux yeux. Il y eut une scène bien vive entre lui et Mme de la Fayette, le soir que ce pauvre homme[5] étoit à l’agonie ; je n’ai jamais tant vu de larmes, et jamais[6] une douleur plus tendre et plus vraie : il étoit impossible de ne pas être comme eux ; ils disoient des choses à fendre le cœur ; jamais je n’oublierai cette soirée. Hélas ! ma chère enfant, il n’y a que vous qui ne me parliez point encore de cette perte ; voilà où l’on connoît[7] encore mieux l’horrible éloignement : vous m’envoyez des billets et des compliments pour lui ; vous n’avez pas envie que je les porte sitôt. M. de Marsillac aura les lettres de M. de Grignan avec le temps ; jamais une affliction n’a été plus vive : il n’a encore osé voir Mme de la Fayette[8] ; quand les autres de la famille la sont venus voir, ç’a

  1. 9. Où Mme de Maintenon avait demeuré. Voyez tome II, p. 5i, fin de la note 18.
  2. 10. Dans notre manuscrit : « jour par jour. »
  3. 11. « Que du jour qu’elle est revenue. » (Édition de 1754.)
  4. 12. « De tous côtés. » (Ibidem.)
  5. 13. Le mot homme a été sauté dans notre manuscrit.
  6. 14. « Ni jamais. » (Édition de 1754.)
  7. 15. « Ah ! c’est où l’on connoît. » (Ibidem.)
  8. 16. « Il n’y eut jamais une affliction plus vive que la sienne : Mme de la Fayette ne l’a point encore vu. » (Ibidem.) — Dans notre