1680 pusse lui répondre que c’étoit moi, et qu’en tous les cas son repentir étoit extraordinaire ; car si elle n’a point vu la maison, et qu’elle ne se fie pas à Mme de Lassay[1], pourquoi la loue-t-elle sans clause et avec empressement ? Si elle l’a vue, et qu’elle l’ait même souhaitée, pourquoi s’en repent-elle ? On auroit toujours assez de quoi répondre, mais c’est cela qui me fit taire. Nous sommes fort bien ensemble : tout mon déplaisir, c’est qu’elle ne soit pas en repos ; mais je crois que cela tient à son mal, et je la plains. J’ai à vous conjurer, ma très-chère, de n’avoir aucune sorte d’inquiétude de mon voyage : le temps est beau à merveilles, la route délicieuse ; ce qui me fâche, c’est de ne recevoir de vos lettres qu’à Nantes ; je ne les hasarderai point en passant pays. Comme je dépends du vent, et que sur l’eau rien n’est réglé, me voilà résolue à ne les trouver qu’à Nantes ; cela me fera souhaiter d’y arriver, et me fera marcher plus vite. Soyez tranquille sur ma santé : elle est parfaite, et je la ménage fort bien ; j’aurai soin aussi de celle du bon abbé.
Je porte des livres ; je m’en vais, comme une furie, pour me faire payer ; je ne veux entendre ni rime ni raison : c’est une chose étrange que la quantité d’argent qu’on me doit ; je dirai toujours comme l’Avare : « De l’argent, de l’argent, dix mille écus sont bons[2] ; » je pourrois bien les avoir, si l’on me payoit ce qui m’est dû en Bretagne et en Bourgogne.
Vraiment, ma fille, voici une jolie lettre, il y a bien de l’esprit, mon commerce va être d’un grand agrément : encore si j’avoïs à vous apprendre des nouvelles de Danemark, comme je faisois il y a quatre ou cinq ans, ce seroit quelque chose, mais je suis dénuée de tout.