Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/393

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1680 mangé du potage et du bouilli tout chaud[1] : on a un petit fourneau, on mange sur un ais dans le carrosse, comme le Roi et la Reine : voyez, je vous prie, comme tout s’est raffiné sur notre Loire, et comme nous étions grossiers autrefois que le cœur étoit à gauche[2] : en vérité, ma fille, le mien, ou à droit ou à gauche, est tout plein de vous. Si vous me demandez ce que je fais dans ce carrosse charmant, où je n’ai point de peur, j’y pense à ma chère enfant, je m’entretiens de la tendre amitié que j’ai pour elle, de celle qu’elle a pour moi, de la sensibilité que j’ai pour tous ses intérêts, des ordres de la Providence qui nous sépare, de la tristesse que j’en ai[3] ; je pense à ses affaires, je pense aux miennes ; tout cela forme un peu l’humeur de ma fille, malgré l’humeur de ma mère[4], qui brille tout autour de moi. Je regarde, j’admire cette belle vue qui fait l’occupation des peintres. Je suis touchée de la bonté du bon abbé, qui, à soixante et treize ans, s’embarque encore sur la terre et sur l’onde pour mes affaires. Après cela je prends un livre que M. de la Rochefoucauld me fit acheter : c’est de la Réunion du Portugal, en deux tomes in-8o. C’est une traduction de l’italien[5] : l’histoire et le style sont également estimables. On y voit le roi de Portugal[6], jeune et brave prince, se précipiter rapide-

  1. 5. Dans l’édition de 1754 : « tout chauds. »
  2. 6. Voyez le Médecin malgré lui, acte II, scène vi.
  3. 7. « De celle qu’elle a pour moi, des pays infinis qui nous séparent, de la sensibilité que j’ai pour tous ses intérêts, de l’envie que j’ai de la revoir, de l’embrasser. » (Édition de 1754.)
  4. 8. Perrin renvoie à la lettre du 15 décembre 1675 (tome IV, p. 275).
  5. 9. « …un livre que le pauvre M. de la Rochefoucauld me fit acheter : c’est la Réunion du Portugal, qui est une traduction de l’italien. » (Édition de 1754.) — Voyez la note 37 de la lettre des 17 et 18 mai suivants, , p. 405, note 37.
  6. 10. Sébastien Ier, qui périt en Afrique, à l’âge de vingt-deux ans, le 4 août 1578, dans une bataille contre les Maures. À la mort du