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fille, la tristesse que l’idée de votre délicate santé a jetée sur toutes mes pensées : vous le comprenez bien et à quel point je souhaite que cette santé se rétablisse[1] ; si vous m’aimez, vous y mettrez vos soins et votre application, afin de me témoigner la véritable amitié que vous avez pour moi : cet endroit est une pierre de touche. Bonsoir, ma très-chère ; adieu jusqu’à demain à Tours.

À Tours, vendredi 10e mai.

Toujours, ma fille, avec la même prospérité. Je n’ai jamais rien vu de pareil à la beauté de cette route. Mais comprenez-vous bien comme notre carrosse est mis de travers ? Nous ne sommes jamais incommodés du soleil ; il est sur notre tête, le levant est à la gauche, le couchant à la droite, et c’est la cabane[2] qui nous en défend. Nous parcourons toute cette belle côte, et nous voyons deux mille objets différents, qui passent incessamment devant nos yeux, comme autant de paysages nouveaux, dont M. de Grignan seroit charmé : je lui en souhaiterois un seulement à l’endroit que je dirois.

On attendoit, le lendemain de mon départ, la belle Fontanges à la cour : c’est au chevalier présentement[3] à faire son devoir ; je ne suis plus bonne à rien du tout : si vous ne m’aimiez, il faudroit brûler mes misérables lettres avant que de les ouvrir. Adieu donc, ma très-aimable enfant ; adieu, Monsieur de Grignan.


  1. 14. « Qu’elle se rétablisse. » (Édition de 1754.) — Tout ce qui suit, jusqu’à la fin de cette première partie de la lettre, manque dans l’impression de 1754, qui porte seulement : « Adieu, ma très-chère, jusqu’à demain à Tours. »
  2. 15. C’est ainsi qu’on nomme les bateaux qui sont sur la Loire. (Note de Perrin, 1737.)
  3. 16. Le mot présentement n’est pas dans le texte de 1754, non plus que la phrase qui termine la lettre.