Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/397

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1680 donc je vous aime ; je pense uniquement à vous de cette manière, donc je vous aime uniquement.

Le bon abbé se porte fort bien ; il est charmé de cette route : jamais on n’a fait ce voyage comme nous le faisons ; c’est dommage que nous ne soyons un peu moins solitaires. Je vous jure pourtant que je ne souhaite personne, et qu’étant condamnée à m’éloigner de vous, j’aime encore mieux être toute seule et toute libre, et me donner entièrement à mes affaires, que d’être détournée sans être contente. Me voilà donc fort bien pour quatre ou cinq mois, puisqu’il le faut.

J’ai bien envie que vous voyiez un peu plus clair à Mlle  de Grignan. Pour vos affaires, vous ne les voyez que trop ; c’est une étrange chose que d’avoir à réparer, six mois de suite, les dépenses d’un hiver à Aix ; vraiment c’est bien pour avoir vécu. Cependant je veux espérer que la Providence démêlera tout mieux que nous ne pensons : il y a de certains avenirs obscurs qui s’éclaircissent quelquefois tout d’un coup ; ma chère enfant, vous voyez bien ce que je pense et ce que je desire là-dessus, et vous entendez tout ce que je ne dis pas. Mon ennui par-dessus l’ordinaire, c’est d’être si longtemps sans avoir de vos lettres : cela me trouble ; il part aujourd’hui de Paris deux paquets de vous, qui arriveront à Nantes lundi, comme moi : voilà tout l’ordre que j’ai pu donner. C’étoit une folie de prétendre attraper vos lettres, en volant, par les villes où je ne suis qu’un moment, et où je n’arrive que comme il plaît au vent : il a eu jusqu’ici la dernière complaisance, mais le moyen d’y compter sûrement ? Voilà le bon abbé qui vous fait mille amitiés. Je lis toujours avec plaisir mon histoire de Por-

    recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchois, » (Discours de la Méthode, IVe partie.)