Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/407

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1680 Voilà, ma chère enfant[1], les nouvelles dont je puis remplir mes lettres : quand je songe combien les détails de cette nature qui sont dans les vôtres me touchent sensiblement, je m’imagine que vous êtes de même pour moi, et je ne crois pas que vous vouliez que je mette votre amitié à plus haut prix. La vie est ici à fort bon marché : si vous étiez de même à Aix, vous n’auriez pas tant dépensé cet hiver[2] ; c’est encore une belle circonstance que tout y soit comme à Paris : voilà une heureuse ressemblance. Vous avez raison de trouver plaisant qu’en blâmant l’excès de votre dépense, on trouve à dire à la frugalité de vos repas ; vous avez très-bien fait de ne les pas augmenter ; vous avez un si grand air que vous trompez les yeux, car votre intendant jure qu’on ne peut pas faire une meilleure chère, ni plus grande, ni plus polie. Cinquante domestiques est une étrange chose[3] ; nous avons eu peine à les compter. Pour Grignan, je ne comprends jamais comme[4] vous y pouvez souhaiter d’autre monde que votre famille. Vous savez bien que quand nous étions seules, nous étions cent dans votre château ; je trouvois que c’étoit assez. Il ne faut pas croire que l’excès du nombre ne vous ôte pas toute la douceur et tout le soulagement[5] du bon marché et des provisions : c’est une chose que vous n’avez jamais voulu comprendre ; mais votre arithmétique, en vous faisant doubler par quatre le nombre de vos bouches, vous les fera trouver[6] aussi chères

  1. 12. « Ma pauvre enfant. » (Édition de 1754.)
  2. 13. « Si c’étoit la même chose à Aix, vous n’auriez pas tant dépensé l’hiver dernier. » (Ibidem.)
  3. 14. « C’est une chose étrange que cinquante domestiques. » (Ibidem.)
  4. 15. « Comment. » (Ibidem.)
  5. 16. « Toute la douceur et le soulagement. » (Ibidem.)
  6. 17. « Vous les fera voir. » (Ibidem.)