Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/438

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1680 de Corneille charment toute la cour[1]. Je mande à mon fils que c’est un grand plaisir que d’être obligé d’être là, d’y avoir une place[2], une contenance ; que pour moi, si j’en avois eu une, j’aurois fort aimé ce pays-là ; que ce n’étoit que par n’en avoir point que je m’en étois éloignée ; que cette espèce de mépris étoit un chagrin, que je me vengeois à en médire, comme Montaigne de la jeunesse, et que j’admirois qu’il aimât mieux son après-dînée, comme moi[3], entre Mlle du Plessis et Mlle de Launaie, qu’au milieu de tout ce qu’il y a de beau et de bon.

Ce que je dis, ma belle, vraiment je le dis pour vous[4] : ne croyez pas que si M. de Grignan et vous étiez placés comme vous le méritez, vous ne vous accommodassiez pas fort bien de cette vie ; mais la Providence ne veut pas que vous ayez d’autres grandeurs que celles que vous avez. Pour moi, j’ai vu des moments où il ne s’en falloit rien que la fortune ne me mît dans la plus agréable situa-

  1. 35. La cour était partie pour Fontainebleau le 13 mai ; elle retourna à Saint-Germain le 8 juillet. « Il y aura souvent, dit la Gazette du 18 mai, des chasses et des bals ; et les comédiens de l’hôtel de Bourgogne représenteront deux fois la semaine des tragédies du sieur Corneille l’aîné, et de celles du sieur Racine. » Voyez aussi le Mercure de mai 1680, p. 330-332 ; il y est parlé d’illuminations, de pêches à la clarté des flambeaux, de la chasse, de la paume, qui « divertissent tour à tour, » et de « la bonne chère qui règne toujours dans ce charmant lieu. » Dans le Mercure de juin (p. 349), il est dit que les Français représentent la comédie deux fois la semaine, et les Italiens une.
  2. 36. « Que c’est un grand plaisir d’être obligé d’y être, d’y avoir (dans 1754 : et d’y avoir) un maître, une place, etc. » (Éditions de 1737 et de 1754.)
  3. 37. « Qu’il aimât mieux passer son après-dînée, comme je fais. » (Édition de 1754.)
  4. 38. Dans les deux éditions de Perrin : « Ce que je dis pour moi, ma belle, vraiment je le dis pour vous. »