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Je me plains d’être ici quand vous êtes tous deux à Paris. Nous sommes assez bien concertés quand nous sommes ensemble. Il s’en faut beaucoup que la conversation ne languisse ; Corbinelli y tient bien sa place.

Je suis ici dans une fort grande solitude et pour n’y être pas accoutumée je m’y accoutume assez bien[1]. C’est une consolation que de lire. J’ai ici une petite bibliothèque qui seroit digne de vous ; mais vous seriez bien digne de moi ; et si nous étions voisins, nous ferions un grand commerce de nos esprits et de nos lectures. J’en reviens toujours à cette Providence qui nous a rangés comme il lui a plu. Il n’étoit pas aisé de comprendre qu’une demoiselle de Bourgogne, élevée à la cour, ne fût pas un peu égarée en Bretagne ; mais elle a si bien disposé de la suite, que je l’honore toujours, et que je regarde[2] avec respect toute sa conduite. Celle qu’elle a eue pour vous est bien douloureuse : je la sens peut-être plus que je ne devrois ; mais enfin il faut se soumettre à ce qui est amer, comme à ce qui est doux.

Voilà les vraies réflexions d’une personne qui passe une partie de sa vie[3] seule dans de grands bois, où les pensées ne peuvent être que sombres et solides.

Si je suis assez heureuse pour vous retrouver encore à Paris, vous me consolerez de tous mes ennuis, et vous me donnerez[4] de la joie, et de la lumière à mon

    de neuf mille francs de Mme de Montglas, Madame ; quand vous l’aurez montrée à votre amie, jetez-la au feu devant elle et lui dites qu’elle me payera quand il lui plaira, et qu’après les sentiments que j’ai eus pour elle, je ne lui demanderai jamais autre chose que son amitié »

  1. 3. Dans le manuscrit de la Bibliothèque impériale : « je m’en accommode assez bien. »
  2. 4. « Que je l’honore toujours, et regarde, etc. » (Manuscrit de la Bibliothèque impériale.)
  3. 5. « Une partie de ses jours. » (Ibidem.)
  4. 6. « Et me donnerez. » (Ibidem.)