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me soulager des cruelles douleurs qu’elles me font souffrir tous les soirs. Ce n’est pas vivre, ma chère enfant, que de vivre avec tant d’incommodités. C’est ce voyage-là que je vous ferois bien faire, si j’étois M. de Grignan, et que j’eusse autant de pouvoir sur vous qu’il en a. Enfin, vous croyez bien que je pense souvent à toutes ces choses, et qu’il n’y a nulle philosophie, nulle résignation et nulle distraction qui puissent m’en détourner. Je m’en accommode le mieux que je puis, quand je suis dans le monde ; mais de croire que cette pensée ne soit pas profondément gravée dans mon cœur, ah ! ma fille vous connoissez trop bien l’amitié pour en pouvoir douter. Et vous parlez de ma santé : c’est bien dit, de ma santé, car je me porte très-bien, je vous l’ai dit vingt fois ; vous vous occupez de ma santé, et moi je m’inquiète avec raison de votre maladie. Guisoni veut que je me fasse saigner, parce que la saignée lui fait du bien ; le médecin anglois dit qu’elle est contraire au rhumatisme, et que si j’ôte mon sang, qui consume les sérosités, je me retrouverai comme il y a quatre ans : lequel croirai-je ? Voici le milieu : je me purgerai à la fin de toutes les lunes, ainsi que j’ai fait depuis deux mois ; je prendrai de cette eau[1] et de l’eau de lin : c’est là tout ce qu’il me faut ; et ce qui me seroit encore meilleur, ce seroit votre santé. Voilà bien du discours, ma très-belle, sur un sujet qui n’aura pas manqué de vous ennuyer ; mais vous ne sauriez m’empêcher d’être uniquement occupée de l’état où vous êtes.

  1. Lettre 741. — 1. L’eau donnée par Mme de Lavardin. Voyez plus haut, p. 35.