Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/564

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1680 chaleurs ; les pluies nous empêchent de faire les foins, et nous avons grand regret à cette perte.

Il arriva l’autre jour ici le fils d’un gentilhomme d’Anjou que je connoissois fort autrefois. Je vis d’abord un beau garçon, jeune blond, un justaucorps boutonné en bas, un bel air dont je suis affamée ; je fus ravie de cette figure ; mais hélas ! dès qu’il ouvrit la bouche, il se mit à rire de tout ce qu’il disoit, et moi quasi à pleurer. Il a une teinture de Paris et de l’Opéra, il chante, il est familier ; mais c’est un garçon qui vous dit bravement[1] :

Quand on n’a point ce qu’on aime,
Qu’importe, qu’importe à quel prix[2] ?

Je recommande ce vers[3] à la musique de M. de Grignan.

On m’a envoyé la lettre de Messieurs du clergé au Roi : c’est une belle pièce ; je voudrois bien que vous l’eussiez vue, et les manières de menaces qu’ils font à Sa Sainteté[4]. Je crois qu’il n’y a rien de si propre à faire changer les sentiments de douceur qu’il semble que le pape ait pris, en écrivant au cardinal d’Estrées qu’il vînt, et que par son bon esprit il accommoderoit toutes choses. S’il voit cette lettre, il pourra bien changer d’avis. J’ai vu d’abord le nom[5] de Monsieur le Coadjuteur avec tous les autres ; il a été nommé plus agréablement, quand on m’a mandé de deux endroits que la

  1. 7. « Il est familier et il vous dit bravement. » (Édition de 1754.)
  2. 8. Les paroles de l’opéra disent :

    Quand on obtient ce qu’on aime,
    Qu’importe, qu’importe à quel prix ?

    (Note de Perrin.) — Ces vers se chantent deux fois dans la 1re  scène du IVe acte de Bellêrophon {1679).

  3. 9. « Ces paroles. » (Édition de 1754.)
  4. 10. Voyez la lettre du 17 juillet précédent, p. 535, note 34.
  5. 11. « J’ai d’abord remarqué le nom. » (Édition de 1754.)