Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/104

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1680 quentes, si douloureuses, un abattement et une maigreur qui ne résisteroient point à une fièvre comme celle que vous eûtes l’année dernière, il ne faut pas croire que tout cela ne puisse donner de mauvaises heures ; je les éloigne tant que je puis, mais elles sont plus fortes que moi, et savent bien prendre leur temps. Les réflexions que vous faites sur le mécompte éternel de nos projets sont fort raisonnables ; pour moi, c’est ma plus ordinaire méditation, et à tel point que je me console des inquiétudes qui viennent brouiller la joie de vous voir bientôt à Paris, par la crainte que j’aurois de quelque accident imprévu, si cette joie étoit toute pure et toute brillante : je me la laisse donc obscurcir, comme vous disiez l’autre jour, afin qu’à la faveur de quelques tribulations, je puisse en approcher avec plus de sûreté. Votre automne, qui devoit être si agréable, n’a-t-elle pas été troublée comme d’un orage, au milieu du plus beau temps du monde ? Mais il me semble que tous ces nuages passeront, et que l’air deviendra serein ; tous vos plaisirs ne sont que reculés ; M. de Grignan reviendra de Marseille, et vos Grignans de Paris. Je ne sais point du tout l’affaire du Coadjuteur, qui lui coûtera peut-être de l’argent ; cela seroit en quelque sorte plus mauvais que la fièvre : il n’y a point de remède anglois contre cette nécessité de payer, comme il y en a contre la fièvre.

Je vous admire, en vérité, d’être deux heures avec un jésuite[1]sans disputer : il faut que vous ayez une belle patience pour lui entendre dire ses fades et fausses maximes. Je vous assure que quoique vous m’ayez souvent repoussée politiquement sur ce sujet, je n’ai jamais cru que vous fussiez d’un autre sentiment que moi, et j’étois

  1. 2. Dans l’impression de 1754, la seule qui donne cette lettre, il n’y a que l’initiale : « un J… »