Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/130

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1680 Grignan, les dépenses extraordinaires, vous trouverez que c’est le seul lieu où vous pouvez reprendre haleine : la dépense d’Aix est une furie ; je me figure que vous êtes un peu revenue de l’économie de Grignan[1], où vous trouviez que vous pouviez vivre pour rien ; cela s’appelle rien, rien du tout : vos trois tables fort souvent dans la galerie, et toutes les visites et les trains ; toujours nourrir bêtes et gens, chose qu’il n’y a plus que vous au monde qui fassiez[2] ; toute cette fameuse auberge, tout ce concours de monde me paroît, quoi que vous disiez, un fleuve qui entraîne tout. Enfin, ma fille, je n’ose penser à ce tourbillon, et il me semble que vous allez vous reposer ici : attendez du moins que vous ayez confronté les dépenses pour envisager votre départ[3] ; il est question d’arriver, c’est ce que je souhaite de tout mon cœur.

Mlle de Méri est fixée : elle s’arrangera tout à loisir, rien ne la presse : elle voit bien que je suis plus aise qu’elle soit ici, quand elle y peut être, que de l’aller chercher plus loin ; c’étoit pour la faire décider que je vous en écrivois ; car quand on ne peut se résoudre, la vie se passe à ne point faire ce qu’on veut. Elle est bien mieux qu’elle n’étoit : elle parle ; elle est capable d’écouter ; nous causons fort tous les soirs. Ah ! mon enfant, qu’il est aisé de vivre avec moi ! qu’un peu de douceur, d’espèce de société, de confiance même superficielle, que tout cela me mène loin ! Je crois, en vérité, que personne n’a plus de facilité que moi dans le commerce de la vie[4] : je voudrois que vous vissiez comme cela va bien,

  1. Lettre 868. — « De cette économie de Grignan. » (Édition de 1754.)
  2. 2. Comparez le commencement de la lettre du 2 août 1671, tome II, p. 303.
  3. 3. « Votre retour, » (Édition de 1754.)
  4. 4. « Dans le commerce de la vie civile. » (Ibidem.)