1680 nière à les pouvoir écrire[1]. Je partis de Bretagne le 20e octobre (qui étoit bien plus tôt que je ne pensois), pour venir à Paris. Un mois après j’eus le plaisir d’y recevoir ma fille ; mais ce n’étoit pas elle qui me faisoit venir. Je l’ai trouvée mieux que quand elle partit ; et cet air de Provence qui la devoit dévorer, ne l’a point dévorée : elle est toujours aimable, et je vous défie de vous voir tous deux et de parler ensemble sans vous aimer.
J’ai toujours pensé à vous, et j’ai dit mille fois : « Mon Dieu ! je voudrois bien écrire à mon cousin de Bussy ; » et jamais je n’ai pu le faire. Pour moi, je crois qu’il y a de petits démons qui empêchent de faire ce qu’on veut, rien que pour se moquer de nous, et pour nous faire sentir notre foiblesse ; ils ont eu contentement, et je l’ai sentie dans toute son étendue.
Nous avons ici une comète[2]. qui est bien étendue aussi ; c’est la plus belle queue qu’il est possible de voir. Tous les grands personnages sont alarmés, et croient fermement que le ciel, bien occupé de leur perte, en donne des avertissements par cette comète. On dit que le cardinal Mazarin étant désespéré des médecins, ses courtisans crurent qu’il falloit honorer son agonie d’un prodige, et lui dirent qu’il paroissoit une grande comète
- ↑ 2. Mme de Sévigné veut parler sans doute de l’inquiétude que lui donnait la maladie de son fils.
- ↑ 3. Cette comète, dit Arago, l’une des plus brillantes des temps modernes, « fut découverte par Kirch, à Cobourg en Saxe, le 14 novembre 1680, et observée jusqu’en mars 1681. Elle a été l’objet des recherches des plus illustres astronomes et géomètres. » Sa queue paraissait souvent embrasser un espace de soixante-dix à quatre-vingt-dix degrés. D’après les calculs de M. Encke, la durée probable de sa révolution serait de huit mille huit cent treize ans ; d’après une conjecture antérieure de Halley, de cinq cent soixante-quinze. Voyez l’Astronomie populaire d’Arago, tome II, p. 347, 348, 321, 461, 477 et suivantes
