Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1681 au contraire il vous dira :

Je rends grâces aux Dieux de n’être pas Créquy,
Pour conserver le cœur de mon ami Bussy[1]

Je me suis trouvée naturellement dans cette affaire, par le plaisir que je pris de lui dire ce que vous me mandiez de lui sur sa nouvelle dignité ; j’ai donc vu mieux qu’un autre l’estime qu’il fait de votre estime ; vous verrez sa réponse, et pour vous faire aimer la modération de votre seconde lettre, il faut que vous soyez persuadé que si elle avoit été autrement, elle auroit mis le tort de votre côté, et il arrive souvent qu’ayant toute la raison pour soi, on est blâmé pour la manière rude[2] dont on la fait valoir.

Que dites-vous du retour de M. de Luxembourg ? Le Roi pouvoit-il lui faire une plus éclatante réparation que de se remettre à sa garde ?[3] Quand on passeroit sa vie à méditer les changements qu’on voit à la cour tous les jours, on n’y comprendroit rien. J’en souhaiterois un pour vous ; quelque avantageux qu’il vous fût, il ne surprendroit pas tant le public que celui de M. de Luxembourg.


  1. 2. Parodie de ces vers prononcés par Curiace (Horace, acte II, scène III)

    Je rends grâces aux Dieux de n’être pas Romain,
    Pour conserver encor quelque chose d’humain.

    Voyez la lettre du 26 juin 1655, tome I, p. 393.

  2. 3. « Par la manière rude. » (Manuscrit de la Bibliothèque impériale.)
  3. 4. « Que de lui donner le soin de garder sa personne sacrée. » (Ibidem.) — À la suite de l’affaire des poisons, le maréchal de Luxembourg avait été exilé dans ses terres. Voyez tome VI, p. 367, note 12. — Mme  de Scudéry écrit à Bussy le 29 juin : « Si vous voyiez combien M. de Luxembourg est à la mode, et comme tous ceux qui le blâmoient ouvertement ont l’effronterie de le louer, cela vous feroit rire. »