Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/19

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1680 qu’on a de lui. J’ai bien envie de savoir le désordre qu’il fit au repas dont Montgobert avoit ordonné[1].

Vous croyez bien que je suis dans tous vos sentiments ; mais je veux vous apprendre la jalousie, du moins par théorie, et vous assurer (credi a me pur che l’ho provato[2] que l’on dit quelquefois bien des choses qu’on ne pense pas ; et quand on les penseroit, ce ne seroit point la marque de ne pas aimer : tout au contraire, à faire l’anatomie[3] de ces sortes de discours pleins de colère et de chagrin, on y trouveroit beaucoup de véritable tendresse et d’attachement. Il y a des cœurs délicats ; quand cela se trouve avec un esprit sec, cela fait des progrès merveilleux dans le pays de la jalousie. Voilà ce que ma conscience m’a obligée de vous dire ; faites-y quelque réflexion ; je n’entrerai dans aucun autre détail de deux cents lieues loin[4].

Mercredi matin, 7e août.

Dîner, souper en festin chez M. et Mme  de Chaulnes, avoir fait mille visites de devoirs et de couvents[5], aller, venir, complimenter, s’épuiser, devenir tout aliénée, comme une dame d’honneur[6], c’est ce que nous fîmes

  1. 26. Cette phrase ne se lit pas ailleurs que dans notre manuscrit.
  2. 27. « Croyez-m’en, moi qui l’ai éprouvé. » — Il y a dans le Pastor fido, acte I, scène i :

    Credi a me pur che’l provo.

  3. 28. « Et quand on les penseroit, seroit-ce la marque de ne point aimer ? tout au contraire, si l’on faisoit l’anatomie, etc. » (Édition de 1754.)
  4. 29. C’est de Mlle  Montgobert qu’il s’agit ici : voyez tome VI, p. 503 et 504, et p. 530 et 531.
  5. 30. Les mots « de devoirs et de couvents, » ne sont pas dans l’impression de 1737.
  6. 31. C’est une allusion à Mme  de Richelieu, dame d’honneur de la Dauphine. Voyez la lettre du 6 avril précédent, tome VI, p. 348.