Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1683 Je ne sais pas beaucoup de nouvelles. Je vous dirai pourtant que les Flamands surprirent l’autre jour notre garde, et tuèrent quelques cavaliers. La victoire[1] des chrétiens sur les infidèles[2] commence à paroître plus grande de beaucoup depuis quelques jours. Voici ce qu’on m’en a dit d’assez bonne part : que les Turcs furent si consternés sur la nouvelle que les Polonois avoient joint l’armée de l’Empereur, et que le roi de Pologne y étoit en personne, que le grand vizir, pour désabuser les principaux chefs de ses troupes, prit un officier hongrois dont il crut être assuré, et lui promit de grandes récompenses, s’il pouvoit entrer dans le camp des chrétiens, et voir si le roi de Pologne y étoit[3]. Cet officier avoit servi les Polonois contre le Turc, de sorte qu’il fut reconnu dans le camp et mené au Roi, qui l’interrogea, et ayant appris son dessein, ce prince lui dit qu’il lui donnoit la vie à condition qu’il s’en retournât dire de sa part au grand vizir que s’il le vouloit attendre, il lui donnoit sa parole royale qu’il l’iroit attaquer un tel jour. Cet officier retourna, et dit au vizir ce qu’on l’avoit chargé de dire. Le grand vizir se présenta en bataille au jour nommé, se mit à la tête de son aile droite, donna la gauche au bassa de Bude, contre lequel se trouva le Roi, qui, après peu de résistance, le rompit. Le vizir se sauva avec un grand corps au quartier des Tartares, et dit à celui qui les commandoit qu’il le prioit de faire son devoir et que le bassa de Bude avoit trahi sa patrie et sa

  1. 6. « … et en tuèrent quelques cavaliers. Cependant on compte cela pour rien. La victoire, etc. » (Manuscrit de la Bibliothèque impériale.)
  2. 7. La victoire remportée le 12 septembre, sous les murs de Vienne, par Jean Sobieski.
  3. 8. « Et voir le roi de Pologne s’il y étoit. » (Manuscrit de la Bibliothèque impériale)