Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/270

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de corbinelli.

J’ai attendu la fin de cette lettre pour commencer la preuve de ma tranquillité sur vos amours. Je l’ai lue tout entière, et comme je tirois mes lunettes, elle m’a demandé si c’étoit un poignard. Vous voyez par là que l’on me veut causer des inquiétudes, et que l’on n’en prend point ; vous direz l’un et l’autre peut-être avec Corneille, qu’on en a d’autant plus qu’on s’efforce davantage de les cacher. Je l’avoue, et ne me tiens qu’à mon imagination sur ce point. Peut-être si on la fondoit dans un creuset, on en tireroit plus de dix onces du mal dont je crois être guéri. Mais pourquoi guérir d’un mal agréable et causé par deux sujets si dignes ? J’ai lu votre lettre du 10e avec plaisir : sur quoi je vous dirai que j’en veux toujours à la jurisprudence, et que j’en sais assez pour faire perdre le procès à tous mes amis ; ce qui peut arriver à ma louange par l’ignorance palpable des tribunaux, où c’est se mettre en passe de tout perdre que de parler raison, règle, ordonnances et lois. M. de Vardes est ici plus délicieux que jamais, et joignant les perfections humaines et la sagesse de l’honnête homme à celle d’un bon chrétien. Adieu, mon ami : la jalousie me reprend. Je vous quitte en vous assurant que jamais un homme amoureux à mourir, n’a tant aimé son rival.


de madame de sévigné.

Je hais ce rival, mais c’est de m’effacer et d’écrire si bien dans ma mauvaise lettre. Le poignard changé en lunettes me fait souvenir de cet assassinat que vous aviez dessein de faire un soir à Rambouillet : on seroit heureux si l’on pouvoit passer sa vie avec les gens qui nous plaisent, et dont l’esprit et l’humeur nous charment. Je me souviens encore de Livry. Je me garderai bien de perdre l’espérance de vous y revoir quelque jour. Et pourquoi