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1684

934. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Angers, mercredi 20e septembre.

J’arrivai hier à cinq heures au pont de Cé[1], après avoir vu le matin à Saumur ma nièce de Bussy, et entendu la messe à la bonne Notre-Dame[2]. Je trouvai, sur le bord de ce pont, un carrosse à six chevaux, qui me parut être mon fils : c’étoit son carrosse et l’abbé Charrier, qu’il a envoyé me recevoir, parce qu’il est un peu malade aux Rochers[3] ; cet abbé me fut agréable ; il a une petite impression de Grignan par son père et par vous avoir vue, qui lui donna un prix au-dessus de tout ce qui pouvoit venir au-devant de moi : il me donna votre lettre écrite de Versailles et je ne me contraignis point devant lui de répandre quelques larmes, tellement amères, que je serois étouffée, s’il avoit fallu me contraindre : ah ! ma bonne et très-aimable[4], que ce commencement a été bien rangé ! vous affectez de paroître une véritable Dulcinée ; ah ! que vous l’êtes peu ! et que j’ai vu au travers de la peine que vous prenez à vous contraindre cette même douleur et cette même tendresse qui nous fit répandre tant de larmes en nous séparant. Ah ! ma bonne, que mon cœur est pénétré de

  1. Lettre 934 (revue en très-grande partie sur l’autographe). — 1. Les Ponts-de-Cé sont à une lieue et demie au sud d’Angers.
  2. 2. Les mots « à la bonne Notre-Dame » manquent dans le texte de 1754.
  3. 3. « …qui me parut être celui de mon fils ; ce l’étoit en effet, mais au lieu de mon fils c’étoit l’abbé Charrier qui venoit me recevoir, parce que Sévigné est un peu malade aux Rochers. » (Édition de 1754.)
  4. Les mots « ma bonne et très-aimable » ont été supprimés par Perrin, ainsi que toute la fin de l’alinéa à partir de la ligne suivante : « vous affectez, etc. »