Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/333

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1684 réponds point, parce que je craindrois qu’un crapaud ne me vînt sauter sur le visage[1], pour me punir de mon ingratitude. Je n’ai jamais vu des soins et des amitiés comme ceux de M. et de Mme  de Coulanges pour moi : c’est le parfait ménage à mon égard ; leurs lettres sont agréables d’une manière fort différente. Je fus hier dîner chez la princesse ; j’y laissai la bonne Marbeuf. Voici comme votre mère étoit habillée : une bonne robe de chambre bien chaude, que vous avez refusée, quoique fort jolie ; et cette jupe violette, or et argent, que j’appelois sottement un jupon, avec une belle coiffure de toutes cornettes de chambre négligées ; j’étois en vérité fort bien ; je trouvai la princesse tout comme moi, cela me rassura sur l’oripeau. Dites-moi un mot de vos habits ; car il faut fixer ses pensées et donner des images. Nous causâmes fort des nouvelles présentes. La princesse de Bade[2] vient par Angers, dont elle est ravie ; elle a un cuisinier admirable, mais elle est bien aise de ne le pas mettre en œuvre dans[3] de grandes occasions. Vous me demandiez l’autre jour des nouvelles de quel-

  1. 3. Allusion à un fabliau de Gautier de Coiney, prieur de Vic-sur-Aisne en 1214, intitulé D’un vilain qui tout donna le sien, et puis en ot grant disete. Il fait partie de la Vie des Pères, manuscrit de l’Arsenal, no 325, in-fol. Mme  de Sévigné ne lisait sans doute pas ces premiers bégayements de notre poésie, mais les contes de nos trouvères se transmettaient par la tradition, et l’on en trouve encore aujourd’hui quelques traces. Le Grand d’Aussy a donné l’extrait d’un conte presque semblable dans ses Fabliaux, tome IV, p. 84, édition de 1781. (Note de l’édition de 1818.)
  2. 4. Voyez ci-dessus, p. 322, et la note 7. On lit dans le Journal de Dangeau, à la date du 20 novembre 1684 : « Mme  la princesse de Bade partit pour exécuter les ordres du Roi ; la Bussière, ordinaire de chez le Roi, la conduisoit jusqu’à Rennes, et Mme  de Carignan demeuroit à Paris, au désespoir de s’être séparée de sa fille et plus animée que jamais contre le comte de Soissons. »
  3. 5. On serait tenté de lire sans, au lieu de dans.