Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/347

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1685

* 948. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE ET À LA COMTESSE DE GUITAUT[1].

On ne peut jamais être moins rouillé[2] que vous l’êtes. Vos lettres font nos délices : la peinture de l’homme juché, partagé entre les plaintes de Philomèle et la précaution d’Hans Carvel[3], est la plus folle et la plus plaisante vision qu’on puisse avoir. Il faut bien souffrir que vous-même rompiez en visière, quand vous me combattez avec de telles armes : je n’y sais point résister. Ce qui se passe dans votre pays mériteroit un voyage exprès : je parlerois dix ans sur ce chapitre inépuisable ; mais je coupe court et vous prie de ne me citer jamais.

Ah ! ne me brouillez pas avec la République,[4]

comme dit Attale. Je ne veux plus repasser sous la presse. Vos lettres donc sont admirables, et si les vieux châteaux sont mauvais à quelques-uns, croyez-moi, c’est que ceux qui les habitent n’ont pas une Madame de Guitaut comme vous. Avec une telle compagnie je vous défie tous deux d’être moisis. Je ne sais si ma[5]
 
  1. Lettre 948. — 1. Cette lettre, assez douteuse au reste, a été donnée dans l’édition Klostermann sous la date de 1694 ; mais, en supposant qu’elle ait été écrite par Mme de Sévigné, elle ne peut être postérieure à l’année 1685 où mourut le comte de Guitaut : c’est pourquoi nous la plaçons en tête de cette année.
  2. 2. L’édition Klostermann donne rouillée, à tort ce semble.
  3. 3. Voyez Philomèle et Progné, fable xv du livre III de la Fontaine, et l’Anneau d’Hans Carvel, conte XII du livre II. Ce conte a été emprunté par la Fontaine à Rabelais (livre III du Pantagruel, fin du chapitre XXVIII).
  4. 4. Vers de Nicomède (acte II, scène III), déjà cité plus haut, p. 231. Seulement Corneille a mis : « Ah ! ne me brouillez point… »
  5. 5. Le reste est déchiré. (Note de l’édition Klostermann.)