Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/385

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1685 Rennes de nous venir voir ici : mon fils les souhaite pour sa femme, qui va reprendre de leurs remèdes ; et moi, pour faire quelques lavages que je sais qu’ils ordonnent, et qui sont admirables pour guérir en un moment. Ils nous ont mandé que dans l’état de leurs affaires, avec des ennemis et des envieux de tous côtés, il leur étoit absolument impossible de quitter leur couvent ; qu’ils me conjuroient instamment d’aller à Rennes ; que dès qu’ils auroient vu ma jambe, ils me guériroient ; qu’ils osoient bien m’en assurer : mais que pour appliquer les herbes et les cataplasmes à propos, il falloit voir ma jambe. Et enfin, ils m’en pressent de si bon cœur, et Mme  de Marbeuf me donne une chambre si commode, que je m’y en vais demain. Il me semble que vous le voulez, que vous me le conseillez, que vous serez bien aise que je change d’air, et qu’étant traitée par des mains savantes, je puisse m’assurer d’une véritable guérison. Je m’en vais seule avec Marie et deux laquais, un petit carrosse et six chevaux. Je laisse ici mon pauvre bien Bon, avec mon fils et sa femme : je reviendrai tout le plus tôt que je pourrai ; car ce n’est pas sans beaucoup de regret que je quitte le repos de cette solitude et le vert naissant qui me rajeunissoit ; mais je songe aussi que d’être toujours trompée sur cette guérison, c’est une trop ridicule chose ; et qu’enfin il faut suivre vos conseils : il faut savoir s’il y a encore des loups dans les bergeries, et les en faire sortir. Il y a toute sorte d’apparence qu’il n’y en a plus, et que la nature très-sage les a chassés par les dernières irruptions ; mais j’en serai encore plus sûre quand les capucins me l’auront dit. Cette petite plaie est fermée et point fermée ; il faut une main maîtresse pour me tirer de cette longue misère, où je n’ai été soutenue que de l’espérance, qui m’a fait croire vingt fois ma guérison : voilà, ma très-chère, à quoi je me résous, parce que je