Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/395

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1685 créature si près du tombeau. On peut appliquer à ces sortes de talents ce que le P. le Bossu dit si agréablement[1]du respect que les hommes devoient avoir dans les premiers temps pour ceux qui étoient visiblement protégés des dieux.

Ma fille, je m’égare, et je veux revenir à Mme de Marbeuf, qui a lu avec un plaisir et une reconnoissance[2] extrême ce que vous me dites d’elle : c’est la personne du monde la plus sensible à votre estime ; elle me fait passer ici de fort agréables jours : bonne compagnie, de la musique. Je fus avant-hier au cours avec un air penché, parce que je ne veux point faire de visites. J’en reçus une jeudi de la princesse de Bade, qui me conta tout ce que je savois déjà de sa colère, qui est comme celle d’Achille, et de son exil[3]. Je fus le soir chez elle, et comme je voyois qu’elle ne s’ennuyoit point, je l’écoutai trois heures : j’avois un siége sous le pied, car sans cette attention je craindrois de ne plus reconnoître la jambe malade, et de m’y tromper comme Arlequin. Voilà mes nouvelles ; mandez-moi des vôtres, c’est ma vie. Je pars mardi, au grand déplaisir de notre bonne Marbeuf ; le bien Bon languit de mon absence. J’embrasse délicatement vos pauvres malades ; mais vous, ma très-aimable, avec moins de façon, et une tendresse qu’il n’est pas aisé d’exprimer. J’écrirai des Rochers à mon petit Coulanges. Voilà les capucins qui vous disent mille choses, et vous assurent de ma bonne guérison : ils sont

  1. 5. Dans son Traité du poëme épique. (Note de Perrin.) Il serait possible que Mme de Sévigné voulût faire allusion au dernier chapitre du livre V, intitulé : « Si la présence des Dieux déshonore les héros. »
  2. 6. Les mots et une reconnoissance manquent dans la petite édition de 1754.
  3. 7. Voyez la lettre du 26 novembre 1684, p. 322 et 323.