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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/432

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1679 a nommé le mal et commencé les remèdes convenables, je ne faisois rien que pour animer, que pour attirer, que pour mettre ma jambe en furie. Ne raisonnez point sur une érésipèle[1] qui vient d’un cours que la nature veut prendre, et que vous approuvez, parce qu’il ne fait pas mourir : ce n’est pas ici de même, tout a été accident, tout a été violenté ; ma machine n’est point encore entamée ni dépérie, et jamais elle n’a paru mieux faite qu’en soutenant tous les maux qu’on m’a faits. Vous savez que je ne fais point la jeune, je ne le suis nullement ; mais je vous assure que je pourrois encore dire, comme vous disiez à la Mousse : « La machine se démanchera ; mais elle n’est pas encore démanchée[2]. » Je suis donc sous le gouvernement de cette princesse et de sa bonne et capable garde, qui lui fait tous ses remèdes, qui est approuvée des capucins, qui guérit tout le monde à Vitré, et que Dieu n’a pas voulu que je connusse plus tôt, parce qu’il vouloit que je souffrisse, et que je fusse mortifiée par l’endroit le plus chagrinant pour moi ; et j’y consens, puisqu’il le faut. Je suis persuadée que Dieu veut maintenant finir ces légers chagrins. Il y a huit jours que ma jambe est enveloppée de pains de roses, trempés dans du lait doux bouilli, et rafraîchis, c’est-à-dire réchauffés trois fois le jour. Ma jambe n’est plus du tout reconnoissable ; elle est menue, molle, plus de sérosités, toutes les élevures séchées et flétries, plus de gras de jambe qui me tire : enfin, ma fille, tout ce qui étoit dans mon imagination et dans mes espérances est devenu vrai mais je pense que j’ai profané toutes ces mêmes paroles pour des illusions ; je n’y saurois que faire : voilà ce que je vous

  1. Lettre 970. - 1. Érésipèle est la leçon des deux éditions de 1754 ; la plus petite donne un, l’autre une.
  2. 2. Comparez la lettre du 19 février 1690.