Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/551

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Votre raisonnement est fort juste, Madame, sur les impossibilités vraisemblables que le roi d’Angleterre remonte sur le trône ; cependant il n’y a point de haut et bas qu’on ne doive attendre de sujets qui coupent la tête à leur roi, et qui laissent ensuite régner ses enfants. Il ne faut au roi d’aujourd’hui que gagner deux ou trois batailles, et donner liberté de religion, pour être aussi bien établi que jamais.

Nos cousines de Rabutin ont tort de vous demander conseil sur l’embarras où elles sont, mais elles n’ont pas tort d’être embarrassées ; car enfin vous savez la haine des Allemands contre nous ; vous savez l’envie que toute la cour de l’Empereur a eue[1] de la fortune de notre cousin ; on ne manquera jamais de dire que ses sœurs sont des espions qui mandent en France tout ce qu’elles savent de ce pays-là. Vous voyez ce qu’il a coûté à la reine d’Espagne d’avoir été Françoise en un pays étranger[2]. Nos cousines feront donc bien de devenir si bonnes Allemandes, qu’on ne les puisse soupçonner de songer jamais à revenir en leur pays.

II y a des gens si mystérieux, qu’on ne sauroit rien croire d’eux de ce qu’on voit ; pour moi, je pense que Monsieur d’Autun ne va point à Paris parce qu’il ne se porte pas trop bien, qu’il n’a peut-être guère d’argent, et que le Roi n’aime point trop à voir des èvêques hors de leur diocèse. Il y a longtemps que le séjour de la cour m’est insupportable, et d’ailleurs le Roi ne se lasse point de me le rendre odieux ; aussi ne me verra-t-il plus que pour jouer de mon reste sur ce que j’ai à espérer de lui. Paris même a tant de relation avec la cour, que je ne le

  1. 2. Il y a eu, sans accord, dans le manuscrit de Bussy.
  2. 3. Voyez ce qui a été dit plus haut, p.479, note 15 et p.483, des soupçons d’empoisonnement.