Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/142

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chère enfant, comme cela s’est fait. M. de Chaulnes me dit[1] « Madame, vous devriez venir avec nous à Vannes, voir le premier président[2]; il vous a fait des civilités depuis que vous êtés dans la province : c’est une espèce de devoir à une femme de qualité. » Je n’entendis point cela, je lui dis : « Monsieur, je meurs d’envie de m’en aller à mes Rochers, dans un repos dont on a besoin quand on sort d’ici, et que vous seul pouvez[3] me faire quitter. » Cela demeure. Le lendemain, Mme de Chaulnes me dit tout bas à table : « Ma chère gouvernante, vous devriez venir avec nous ; il n’y a qu’une couchée d’ici à Vannes ; on a quelquefois besoin de ce parlement. Nous irons ensuite à Aurav, qui n’est qu’à trois lieues de là ; nous n’y serons point accablés ; nous reviendrons dans quinze jours. Je lui répondis encore un peu trop simplement : « Madame, vous n’avez point besoin de moi, c’est une bonté ; je ne vois rien qui m’oblige à ménager ces Messieurs ; je m’en vais dans ma solitude, dont j’ai un véritable besoin. » Mme de Chaulnes se retire assez froidement tout d’un coup mon imagination fait un tour, et je songe « Qu’est-ce que je refuse à des gens à qui je dois mille amitiés et mille complaisances ? Je me sers de leur carrosse et d’eux quand cela m’est commode, et je leur refuse un petit voyage où peut-être ils seroient bien aises de m’avoir. Ils pourroient choisir; ils me demandent cette complaisance avec timidité, avec honnêteté et moi, avec beaucoup de santé, sans aucune bonne raison, je les refuse, et c’est dans le temps que nous

  1. LETTRE 1200. 1. « Me dit l’autre jour.  »(Édition de 1754.)
  2. 2. La Faluère, premier président du parlement de Bretagne, depuis le mois de mai 1687 jusqu’au mois de décembre 1702. Le parlement était exilé à Vannes dppuis 167S ; voyez tome IV, p. 162, note 6.
  3. 3. «  Pouviez,» (Édition de 1754.)