elle se porte; voilà un fort bon melon, ne croyez pas que notre Bretagne en soit dépourvue ; il faut qu’elle en mange une petite côte » et enfin, quand je lui demande ce qu’il marmotte, il se trouve que c’est qu’il vous répond, et qu’il vous a toujours présente pour la conservation de ma santé. Cette folie n’est point encore usée, et nous a fait rire deux ou trois fois. Nous sommes venus en trois jours de Rennes à Vannes, c’est six ou sept lieues par jour / cela fait une facilité et une manière de voyager fort commode, trouvant toujours des dîners et des soupers tout prêts et très-bons. Nous trouvons partout les communautés, les compliments, et le tintamarre qui accompagne vos grandeurs ; et de plus, des troupes, des officiers et des revues de régiments, qui font un air de guerre admirable. Le régiment de Kerman[1] est fort beau; ce sont tous bas Bretons, grands et bien faits au-dessus des autres, qui n’entendent pas un mot de françois, si ce n’est quand on leur fait faire l’exercice, qu’ils font d’aussi bonne grâce que s’ils dansoient des passe-pieds : c’est un plaisir que de les voir[2]. Je crois que c’étoit de ceux de cette espèce que Bertrand du Guesclin disoit qu’il étoit invincible à la tête de ses Bretons. Nous sommes en carrosse, M. et Mme de Chaulnes, M. de Revel[3] et moi. Un jour je fais épuiser à Revel la Savoie, où il y a beaucoup à dire ; un autre la R****dont les folies et les fureurs sont inconcevables ; :ne autre fois le passage du Rhin : nous appelons cela dévider tantôt une chose, tantôt une autre. Nous arrivâmes jeudi au soir à Vannes ; nous logeâmes chez l’évêque[4]5, fils de M. d’Ar-
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