de le faire plus court, comme dît un bel esprit[1] mais puisque vous voulez tout savoir, voilà, mon enfant, où nous en sommes, plus résignés à la Providence sur cette sorte de chose que vous ne sauriez vous l’imaginer. Nous ne le sommes pas tant sur la perte que vous ferez de votre beau Comtat et d’Avignon[2] quel séjour ! quelle douceur d’y passer l’hiver ! quelle bénédiction que ce revenu dont vous faites un si bon usage ! quelle perte ! quel mécompte ! j’en ai une véritable douleur ; mon génie en fera souvent des plaintes à notre bon duc de Chaulnes, à mesure qu’il accommodera les affaires et qu’il vous ôtera Avignon. Rien n’est si plaisant que la promptitude de ce changement de climat, qui le fait sauter d’Auray à deux lieues de Grignan (car il est sur votre Rhône), et puis à Rome, d’où assurément il ne reviendra point sans vous voir : il ne faut pas moins[3] pour le consoler de n’avoir plus ce commerce qu’il aimoit tant avec cet aimable génie ; rien ne fait mieux voir que les hommes se rencontrent : c’est à vous présentement à m’en dire des nouvelles. Je veux vous dire un mot de Pauline : ne vous avois-je pas bien dit que l’envie de vous plaire achèveroit de la rendre parfaite[4]? Il ne falloit point la mener rudement, et[5]vous voyez ce que la douceur a fait sur son esprit ; j’en ai une sensible joie, et pour elle, et pour vous, qui aimerez
- ↑ 21. Dans un post-scriptum de la xviè Lettre provinciale, Pascal dit : « Je n’ai fait celle-ci plus longue que parce que je n’ai pas eu le loisir de la faire plus » courte. »
- ↑ 22. « D’Avignon et de votre beau Comtat. »(Édition de 1754)
- ↑ 23. « II n’en faut pas moins. (Ibidem.)
- ↑ 24. « …à me dire des nouvelles de M. de Chaulnes. Je veux dire un mot de ma chère Pauline : n’avois-je pas eu raison de prévoir que l’envie de vous plaire la rendroit aimable ? » (Ibidem.)
- ↑ 25. Les huit premiers mots de la phrase manquent dans l’édition de I737.