de la voir ici. Nous lisons fort, et le temps se passe si vite, que ce n’est pas la peine de se tant tourmenter, au moins jusqu’à celui que je pourrai vous embrasser ; car pour celui-là, j’avoue que je le souhaite ardemment. Adieu, ma très-chère enfant : il fait le plus beau temps du monde ; je crois que le vôtre est encore plus charmant : nous sentons l’été Saint-Martin[1]; et vous, la canicule. J’embrasse et je baise mon aimable fille des deux côtés.
1234. DE MADAME DE SÉVIGNÉ
A MADAME DE GRIGNAN.
Aux Rochers, dimanche 13è novembre.
JE n’ai point reçu votre lettre, ma fille ; c’est toujours une tristesse pour moi, quoique je me sois un peu mise au-dessus[2]de la crainte que ce retardement me donnoit autrefois : c’est la fantaisie de la poste, il n’y a qu’à la souffrir ; mais comme je suis toujours à Grignan avec vous, je perds la suite de la conversation : c’est ce qui me fâche. Je ne sais si vous allez à l’assemblée avec M. de Grignan[3], ou si vous demeurez à votre château. Je suis en peine de la santé de Monsieur le chevalier, et de l’effet du quinquina, redonné dans sa dose ordinaire ; sa chaleur contre celle du sang du chevalier me fait souvenir de ce qu’on dit quelquefois : quand brave rencontre brave, brave demeure. Nous espérons aussi que ce brave