1236. DE MADAME DE SÉVIGNÉ ET DE CHARLES DE SÉVIGNÉ A MADAME DE GRIGNAN.
Aux Rochers, dimanche 20è novembre.
DE MADAME DE SÉVIGNÉ.
Vous me tirez d’une grande peine, ma chère enfant, en m’apprenant que voilà notre marquis colonel du beau et bon régiment de son oncle ; Rien ne sauroit être plus avantageux pour lui : à dix-huit ans, on ne sauroit être plus avancé. Voilà vos craintes bien dissipées[1], et voilà le dialogue de la crainte et de l’espérance bien heureusement fini. Je vous défie avec toute votre industrie de trouver à regratter là-dessus il n’est plus question, ma chère Comtesse, que de soutenir cette place, qui emporte [2] plus de dépense que celle de capitaine. Il faut payer Monsieur le chevalier : combien est-ce? Il faut espérer que vous aurez permission de vendre votre belle compagnie, l’ouvrage de vos mains [3] Enfin, ma fille, les biens et les maux sont mêlés, les honneurs augmentent la dépense ; on seroit bien fâchée que cela ne fût pas ; on est bien embarrassée quand cela est : voilà parfaitement le monde. Votre colonel ne viendra-t-il point vous voir ? il me semble qu’il en auroit le temps. J’ai bien envie de lui écrire, et de pouvoir mettre le dessus de sa lettre à ma fantaisie. Vous êtes donc ordinairement cent à Grignan, et quatre-vingts dans les grands retranchements? je trouve que l’on ne fait pas grand scrupule de peser sur vous. Je vous approuve de n’avoir point été à Lambesc exposer votre beauté et la jeunesse de Pauline à la fureur
Ip. 373.
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