Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/35

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doit pas, qui font une beauté achevée; et tout cela pour être en Bretagne ou à Versailles. Mon Dieu, ma chère enfant, que mon loisir est dangereux pour vous je crains qu’il ne vous fasse mal; il se sent de la tristesse de mes rêveries. Je sens vivement de ne plus causer avec le chevalier cette liaison si naturelle m’étoit d’une extrême consolation. Je m’ennuie fort aussi de ne point savoir des nouvelles de mon marquis: que de sacrifices à faire à Dieu! je le regarde souvent dans tout ce qui arrive, et nous sommes tous bien foibles et bien tremblants sous la main toute-puissante qui remue l’Europe d’une telle manière présentement, qu’on seroit bien empêché de dire ce qui arrivera de ce nuage répandu partout.

Voilà votre lettre du 14è qui me donne de la joie. Vous n’avez plus si mal à la tête, vous ne voulez donc pas [1]qu’on dise vapeurs; mais que ferons-nous, si vous nous ôtez ce mot ? car on le met à tout en attendant que vous autres cartésiens en ayez trouvé un autre, je vous demande permission de m’en servir. Tâchez donc de vous guérir de ces maux, de ces étourdissements qui rendent incapable de tout. Ce mal de côté me donnoit bien du chagrin aussi ; nous ne le connoissions plus depuis longtemps : reprenez votre aimable pervenche mettez-la à votre point, et parlez-moi toujours[2] » de votre santé ; la mienne est toute parfaite, malgré quelques chagrins qu’on ne saûroit éviter. J’ai admiré les bornes que vous voulez donner à ma vie ; ce tour et cette expression sont dignes de votre tendresse : j’en sens tout le prix. Nous laissons ici le printemps dans ses char-,

  1. 9. Vous ne voulez pas (Edition de 1754.)
  2. 10 « …bien du chagrin aussi : parlez-moi,toujours, etc (Edition de 1737.)