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avons pensé et senti sur notre petite abbaye..Ce tour d’imagination tout pareil est une chose rare vous l’appellerez : enfance, folie, foiblesse, tout ce que vous voudrez ; mais il est vrai que ces Sanguins, ce Villeneuve, l’idée du vieux Pavin[1] ces anciennes connoissances se sont tellement confondues[2] avec notre jardin et notre forêt, qu’il me semble que c’est une même chose, et que non-seulement nous la leur avons prêtée, mais qu’elle est encore à nous par l’assurance d’y retrouver encore nos meubles, et les mêmes gens que nous y voyions si souvent. Enfin, mon enfant, nous étions dignes de cette jolie solitude par le goût que nous avions et que nous avons encore pour elle[3].

Vous me louez trop, ma chère enfant, de la douce retraite que je fais ici : rien n’y est pénible que votre absence. S’il est bon quelquefois de faire valoir cette retraite pour donner du courage à de certaines gens, j’y consens ; mais sans cela vous oubliez que Paris est en Provence pour moi, que tout m’est égal, que je ne pouvois pas mieux prendre mon temps, et que ce n’est pas de ce voyage ci que je mérite des louanges, mais de celui où je vous laissai à Paris, que la bienséance, la politique d’une mère, et les derniers ordres du bon abbé pour rendre les terres dont j’avois joui à mon fils, me força de faire[4] il y a cinq ou six ans[5] c’est celui-là qui me fit une véritable peine, parce que je vous quittois ;

  1. 6. Voyez la Notice, p. 27 et 28.
  2. 7. « Ces anciennes connoissances sont tellement confondues, etc. » (Édition de 1754.)
  3. 8. «  Enfin, mon enfant, nous étions dignes de Livry par le goût que nous avions et que nous avons encore pour cette jolie solitude. » (Ibidem.)
  4. 9. «  »Et que la bienséance, la politique d’une mère et les derniers ordres du bon abbé pour rendre à mon fils les terres dont j’avois joui, me forcèrent de faire, etc. » (Ibidem.)
  5. 10. Voyez la lettre du 13 septembre 1684 (tome VII, p. 275) et les suivantes.