Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/364

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les feuilles ne soient tombées que pour faire que le soleil éclaire toutes ces allées, et qu’on s’y puisse promener. Je chantois l’autre jour :

Pour qui, cruel hiver, gardes-tu tes rigueurs?

J’étois ravie de savoir que ce n’étoit pas pour vous ; mais attendons la fin ; car du bout de l'horizon, vous savez qu'il peut venir avec furie le plus terrible des enfants du Nord[1] ; vous n’en savez que trop de nouvelles ; il vous a fait des ravages terribles ; mais enfin, sous le nom de bise, jouissez toujours de son absence, c’est autant de pris. Vous me représentez, à la suite d’une promenade, une débauche de sommeil qui m’a fait grand plaisir ; car dans la quantité dé pensées propres à vous agiter, je crains toujours que vous ne soyez éveillée à quatre heures du matin, comme je vous ai vue quelquefois ; cette chaleur de sang seroit bien mauvaise en Provence : je ne puis trop vous recommander votre santé, si vous aimez la mienne, qui est toujours parfaite.

Je me doutois bien que M. du Plessis vous surprendroit derrière M. de Vins[2] : je vous attendais là pour être attrapée ; mais la barbe faite, avec de grosses bottes crottées, est un désassôrtissement tout à fait ridicule. Il m’écrit de Grignan ; il est charmé de vos bontés, de vos grandeurs, et de l’agrément de votre petite Pauline. Ah! que toute sa personne est assaisonnée ! que sa physionomie est spirituelle ! que sa vivacité lui sied bien ! que ses yeux sont jolis, bleus avec des paupières noires ! une

  1. 16. Allusion à la fable du Chêne et du Roseau (livre I, fable XXII) : «  Mais attendons la fin. » Comme il disoit ces mots, Du bout de l’horizon accourt avec furie Le plus terrible des enfants Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs.
  2. 17. Voyez la lettre précédente, p. 353.