Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/419

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haiterois un peu plus de penchant pour les sciences, pour la lecture ; cela peut venir. Pour Pauline, cette dévoreuse de livres, j’aime mieux qu’elle en avale de mauvais que de ne point aimer à lire[1] les romans, les comédies, les Voiture, les Sarrasin, tout cela est bientôt épuisé : a- t-elle tâté de Lucien ? est-elle à portée des petites Lettres? après il faut l’histoire ; si on a besoin de lui pincer le nez pour lui faire avaler, je la plains.12. « Si elle n’y trouve pas son compte, je la plains. » Pour les beaux livres de dévotion[2], si elle ne les aime pas, tant pis pour elle ; car nous ne savons que trop que même sans dévotion[3], on les trouve charmants. A l’égard de la morale, comme elle n’en feroit pas un si bon usage que vous, je ne voudrois point du tout qu’elle mît son petit nez, ni dans Montaigne, ni dans Charron, ni dans les autres de cette sorte ; il est bien matin pour elle[4]. La vraie morale de son âge[5], c’est celle qu’on apprend dans les bonnes conversations, dans les fables, dans les histoires par les exemples ; je crois que c’est assez. Si vous lui donnez un peu de votre temps pour causer avec elle, c’est assurément ce qui seroit le plus utile : je ne sais si tout ce que je dis vaut la peine que vous le lisiez ; je suis bien loin d’abonder dans mon sens.

Vous me demandez si je suis toujours une petite dévote qui ne vaut guère : oui, justement, ma chère enfant, voilà ce que je suis toujours, et pas davantage, à mon grand regret. Oh! tout ce que j’ai de bon, c’est que je sais bien ma religion, et de quoi il est question ; je ne prendrai point le faux pour le vrai . je sais ce qui est bon

  1. 11. « Que si elle n’aimoit point à lire. » (Édition de 1754)
  2. 13. « Quant aux beaux livres de dévotion. » (Ibidem.)
  3. 14. « Que sans dévotion. » (Ibidem.)
  4. 15. « Elle est trop jeune. » ('Ibidem.)
  5. 16. « De cet âge. » (Ibidem.)